L’évènement du Siècle – Le Camp des Chars Berry-au-Bac 1917-2017

IMG_5023La commémoration du centenaire du premier engagement des chars français s’est tenue le week-end des 20 et 21 mai à Berry au Bac dans l’Aisne. L’événement, préparé depuis près de trois ans, a tenu toutes ses promesses.

18582277_10155289391518480_5392229290916955392_nIl y a 3 ans, nous recevions la visite du Général Jacques Maillard, ancien de l’Arme Blindée et de la Cavalerie, venu en mission nous demander notre soutien pour l’organisation de ce centenaire. A l’époque, nous l’avions assuré de notre accompagnement dans cette mission et du soutien indéfectible d’Histoire & Collections, que je dirigeais à l’époque, et en particulier du magazine GBM à l’Arme Blindée Française.

IMG_4944Le projet a muri lentement et a pris corps. L’idée maitresse était d’organiser un « Camp des Chars » rassemblant matériels et hommes pendant 2 jours dans la continuité de la cérémonie officielle. Par ailleurs, différentes initiatives validées et soutenues par la Mission du Centenaire, présidée par le Général d’Armée (2S) Elrick Irastorza, verront leur aboutissement pour ce centenaire.

18700673_10155290320098480_744730761580905201_oCette idée a fait son chemin, et commémoration après commémoration, réunion après réunion, elle pris corps. Il fallut d’abord régler le problème de la date. En effet, cette bataille eu lieu le 17 avril 1917. En 2017, nous sommes alors en pleine élection présidentielle et les autorités décalent l’événement fin mai.
Un travail approfondi est mis en place avec l’UNABCC (Union Nationale de l’Arme Blindée Cavalerie Chars), le 501e Régiment de Chars de Combat et nous-même pour la mise en place opérationnelle de l’événement. IMG_1043Dans ces réunions, à Berry-au-Bac ou à Saumur, l’idée de la présence de reconstitueurs en tenue, et de véhicules d’époque fait son chemin. Le Musée des Blindés de Saumur mettra à disposition pour la cérémonie officielle et pour le Camp des Chars, deux blindés exceptionnels restaurés pour l’occasion : le Schneider CA1 et le Saint-Chamond. IMG_1035La cérémonie est chapeautée par le 501e RCC, et je demande à ce que soient présents un groupe d’hommes en tenue représentatifs des différents groupes de l’époque. Cette demande est acceptée par l’armée et 25 hommes seront intégrés au dispositif officiel pour la prise d’arme officielle au Monument des Chars.

IMG_1110 recadreIl reste à mettre en place ce fameux Camp des Chars. L’idée est de présenter au grand public, l’histoire des hommes et matériels entre 1917 et 1940. Le but est de réunir les meilleurs groupes de reconstitution pour ces époques et un éventail d’engins blindés jamais vu depuis 100 ans. Les groupes et collectionneurs sérieux répondent présent. Un centenaire, cela se mérite et ne se rate pas.
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Vendredi 19 mai, le Camp des Chars se met en place. Le premier engin est arrivé à 8 heures. Il s’agit du tracteur d’artillerie Schneider type CD de 1917.

La journée s’enchaine avec l’arrivée des matériels et groupes venant de la France entière. Le premier arrivé est local, il s’agit de l’association La BaïonIMG_1053nette de Cormicy. En début d’après midi, l’association Mémoires de Poilus arrive sur zone avec son cortège de véhicules dont la reproduction à l’échelle 1 d’un char Saint-Chamond premier modèle. Ce projet à vu le jour grâce à la ténacité de Fanny Desbarats et de Stéphane Orlando qui avec l’appui de la Mission du Centenaire présidée par le Général Irastorza ont pu réunir le financement indispensable pour la construction et le transport du char du Vaucluse à Berry-au-Bac.IMG_1056 L’association apporte avec elle, en plus du char, une automitrailleuse Peugeot Type 153, une ambulance Berliet, un canon de 75mm modèle 1897 et une roulante de campagne. Ils sont installés sur la place du village au pied de l’église.
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A leur côté, une association bien connue et locale du Chemin des Dames, l’Eperon 132 de Crouy prend position avec sa roulante de 1911. Ils seront en charge de nourrir les troupes (150 hommes) pendant les deux jours.

IMG_1152En face, menés par Laurent Vermot-Desroches, Didier Coste et Jean-François Catteau, l’imposant mouvement France 40 monte son campement et aligne ses véhicules : chenillettes Renault UE, Latil M7 T1, chars R35 & FT, Kegresse, side-cars Gnome et Rhône AX2 etc. 18623201_10155282880863480_8818727488440775641_o

A la tombée de la nuit, tous on répondu présent et le camp s’étend au delà du village avec une dizaine d’associations, sauf exceptions, figurant l’armée française dans la première guerre mondiale.

C’est un camp militaire, certes reconstitué, mais avec ses règles et sa tenue. Sa18556297_10155283836228480_80149293667423736_nmedi matin, 7 heures, deux clairons réquisitionnés sonnent l’heure du réveil. Installé au cœur du village, le réveil s’impose aussi aux habitants. A 8 heures, la fanfare du 501e RCC sonne l’aubade au cœur du camp devant l’église et l’office religieux peut commencer. Les 25 volontaires pour la cérémonie officielle nous rejoignent au cœur du camp. Je les remets au commandement du Colonel Louot.

Nous avons là, un panachage des tenues de l’armée française de 1917 : infanterie bleu horizon, génie, artillerie, un équipage de char avec ses cuirs et aussi une représentation du commandant Bossut par Titus qui arbore un manteau de fourrure d’époque incroyable ! 18595456_10155288184493480_2239687016739592206_o
Les hommes partent au pas cadencé dans le village, puis sans cadence pour le kilomètre jusqu’au Monument des Chars. Sur place, ils sont aux ordres du 501e RCC. Certains sont désignés pour encadrer et marcher aux côtés du char Schneider CA1 du Musée des Blindés pendant la cérémonie.

Les autres sont placés dans un carré à la droite de celui des officiers généraux afin de rendre les honneurs à nos anciens. La cérémonie terminée, ils reviennent au village en ordre serré.
18700743_10155290175143480_7163509512386321125_oA l’issue de la cérémonie, les autorités officielles rejoignent le centre du village. Il m’a été demandé de les accueillir et de faire visiter le Camp des Chars. La délégation s’avance, menée par le Général d’Armée Pierre de Villiers et Chef d’état-major des armées. Il est accompagné par le Préfet de l’Aisne, le Général de Brigade d’Andoque de Sériège, Père de l’Arme et commandant de la Cavalerie Française, de madam18699662_10155290189463480_8927703852293741608_oe Hallier maire de Berry-au-Bac, et de nombreux autres officiels. Les « conseillers » me demandent une visite en 20 minutes du camp. Il n’en sera rien.

A ma plus grande satisfaction, le Général de Villiers s’attarde sur chaque campement, discute avec les associations et découvre leurs réalisations.
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La visite durera finalement près d’une heure. 2 temps forts ont marqué cette visite. Le premier avec l’association Le Miroir présidée par Sylvain Hénon. IMG_1080Cette association s’est donnée comme objectif de reconstruire un char Renault FT pour le centenaire de la victoire en 2018. Ce projet est soutenu par la Mission du Centenaire et le Général Irastorza. Elle présentait sur son campement la tourelle reconstruite et complète du FT. Le Général De Villiers accompagné du Général Irastorza, à la vue de celle-ci, félicite et encourage l’association pour son projet et demande quel est le but ultime. Sylvain Hénon répond alors « que notre char FT défile le 14 juillet 2018 sur les Champs-Elysées pour nos anciens ». Le Général, surpris, a réagit positivement à cette réponse demandant à son aide de camp que cela lui soit rappelé cet automne lors de la préparation du défilé 2018. J’espère, pour l’association et le mouvement d’histoire vivante, que cela sera aboutira malgré son départ récent.
IMG_1079Le deuxième temps fort est assuré par l’association des Poilus d’Ile de France. Equipé d’un canon de 75mm reconstruit, ils tirent une salve en l’honneur de nos visiteurs. La visite terminée, madame le Maire, et le Général (2s) d’Anselme, président de l’UNABCC prononcent leurs discours, sur la place du village, avant le vin d’honneur puis le repas organisé par l’UNABCC.18556668_10155282995223480_7839038509625235358_o

La cérémonieIMG_1059 officielle terminée, le campement prend vie. Les associations sont réparties de façon à montrer un ensemble cohérent entre celles qui représentent l’armée française de la 1ère Guerre mondiale et celles du collectif France 40. Le public afflue, les visiteurs sont nombreux et étonnés de la taille du camp et des effectifs en tenue.
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Le char Schneider revenu du Monument des Chars rejoint les autres blindés et chacun attend le moment des démonstrations.

Celles-ci démarrent en début d’après midi, et le public comme les reconstitueurs découvrent en mouvement le Schneider de Saumur, le Saint-Chamond d’Avignon et l’ensemble des autres véhicules en état de fonctionnement. Une seule mauvaise nouvelle, le char Saint-Chamond du Musée des Blindés est la victime, bien involontaire, d’une panne électrique conséquence d’un stockage à l’air libre et donc sous un orage lors de son transport. Au démarrage, le conducteur ignorant cette information, l’eau infiltrée provoque un court-circuit sur les moteurs électriques de l’engin l’immobilisant définitivement.
Cet incident permet de mieux comprendre le paradoxe entre la puissance dégagée par cet engin, pointe de la technologie de l’époque et sa fiabilité toute relative. Nous aurions aimé voir les deux modèles de Saint-Chamond évoluer ensemble.
Parmi les autres véhicules présentés, deux retiennent particulièrement l’attention. Le premier est le tracteur Holt, provenant d’une collection privée. C’est en voyant cet engin IMG_1042évoluer sur le secteur anglais en 1915 comme tracteur d’artillerie que le colonel Estienne sera convaincu qu’en le blindant il pourra être transformé en engin offensif.

Le second, provenant lui aussi d’une collection privée, est un remorqueur Schneider CD de 1917. Cet engin est construit s18588971_10155288185218480_7583101361627286654_our une base mécanique identique au char Schneider CA1. Utilisé pour tracter les pièces d’artillerie, il a été produit à110 exemplaires. Ces deux véhicules sont, aujourd’hui, unique au monde comme le sont les deux chars 18623201_10155282880863480_8818727488440775641_oprésentés par le Musée de Saumur. Cet ensemble de véhicules du premier conflit mondial accompagné d’un char Renault FT, n’avait pas été vu depuis 1922 dans le village et probablement ailleurs en France. Ce rassemblement exceptionnel ne pourra pas se revoir de sitôt.

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L’après-midi passe vite entre les démonstrations dynamiques des engins et la visite des campements.
Certaines associations ont développé un ensemble d’outils pédagogiques pour les enfants et les adultes pour mieux comprendre ce qu’ils représentent. C’est le cas, par exemple, de l’association Historium qui reconstitue le 22ème bataillon Franco-Canadien. En début de soirée, le clairon sonne l’appel à la popote et les hommes en bon ordre se rendent auprès de la roulante de l’Eperon 132 remplir leur gamelle d’une bonne choucroute.

18556758_10155282214948480_5865426866586052242_oAprès le diner, le public parti, les discussions vont bon train sur la cérémonie du matin. Celle-ci, très officielle et encadrée par les militaires n’a pas permis au gros des troupes d’être présent et en armes pour rendre l’hommage du à nos anciens. Quelques officiers me rejoignent et m’informent qu’ils souhaitent mettre en place dimanche matin une cérémonie privée avec l’ensemble des hommes. Nous nous accordons sur l’horaire et la nécessité que celle-ci soit terminée avec un retour des troupes à 11H30 dimanche matin. A 7h30, les deux clairons réveillent le camp et le village.

A 10 heures, l’ensemble des poilus en colonne par deux et au commandement des officiers s’élance pour une marche en ordre jusqu’au Monument des Chars. Les véhicules de la Bataille de France et leurs hommes partent eux aussi par les champs pour rejoindre le Monument.

Le public déjà nombreux comprend qu’une manœuvre est en cours vers le Monument et déserte lui aussi le centre du village. A 10H30, les hommes sont répartis autour du Monument, les véhicules installés au pied de celui-ci. Le public nous a rejoint. La cérémonie privée démarre. Émouvante, elle sera d’une tenue exemplaire. Marquée par trois temps fort, la sonnerie aux morts, le chant de la Marseillaise, repris par le public et la lecture par Guillaume Gosselin de Scènes et Marne 1914 d’un texte d’époque :

Le rappel de la Patrie, 100 ans après

La Patrie, c’est la France, c’est la nation française.

La Patrie, c’est la commune mère de tous les Français; c’est l’ensemble de nos lois, de nos institutions, de nos habitudes, de nos richesses; c’est notre sol, ses villes, ses monuments, ses cimetières; c’est notre belle histoire, nos ancêtres, nos héros, nos gloires, nos douleurs; c’est notre commerce, nos aspirations, c’est notre honneur.

La Patrie, c’est l’ensemble d’une longue série d’efforts, de sacrifices, de dévouements. Nos ancêtres nous ont faits ce que nous sommes, ils ont conquis nos libertés et nos droits au prix de longues souffrances, de terribles persécutions.

Avoir souffert ensemble ! Oui, la souffrance en commun unit plus que la joie. En fait de souvenir, les deuils valent mieux que les triomphes, car ils imposent des devoirs, ils commandent l’effort en commun.

Un passé héroïque, de grands hommes, de la gloire, un deuil, des libertés: voilà I’ héritage du passé.

Chaque citoyen contracte donc une dette sociale envers ses aïeux et ses contemporains, et pour s’en acquitter, il n’y a qu’un moyen, c’est d’aimer, servir et défendre sa patrie.

Nos camarades et nos pères ont combattu glorieusement, avec le plus admirable courage, au mépris de la mort, contre les Allemands en 1914, 1915,1916 pour sauver la patrie française, pour la civilisation humaine et le droit.

 Extrait du livre du Gradé d’infanterie – édition 1916-1917 Berger -Levrault. Éditeurs

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La cérémonie est suivie d’une séance photo pour l’ensemble des groupes autour du Monument et pour le plus grand plaisir du public. Le retour au centre du village, toujours en colonne en fait un défilé impressionnant. Les troupes arrivent en bon ordre face à l’église devant madame le Maire qui les attends pour le pot de l’amitié afin de les remercier.

Ensuite, l’heure la popote sonne de nouveau et l’après-midi est de nouveau consacré aux démonstrations dynamiques des véhicules, ponctuées par plusieurs tirs (à blanc de canons ou mitrailleuses. En fin de journée, le camp est démonté et chaque groupe repart, fier et satisfait de ce centenaire.

Je tiens ici à remercier l’ensemble des associations et collectionneurs privés qui ont permis par leurs engagements et leurs actions de faire de ce rassemblement un succès. La reconstitution est souvent décriée par les officiels ou un certain public qui voie là une sorte d’exutoire pour névrosés qui veulent jouer aux militaires. Il n’en n’est rien ! Ce rassemblement, comme d’autres, a montré que ces associations –sérieuses- n’ont d’autre but que de représenter une facette de nos armées à un moment précis de l’histoire. Elles sont guidées par la rigueur et le sérieux, dans leurs attitudes, leurs uniformes et leur représentation de l’armée. Leur connaissance de l’histoire, de la vie quotidienne à l’époque est pointue et c’est ce qui guide leur souci d’authenticité. Décriées, elles sont aujourd’hui regardées avec attention par les autorités et de plus en plus intégrées dans les cérémonies. Elles sauvegardent le patrimoine militaire, elles représentent, en particulier pour le 1er conflit mondial, le souvenir de nos disparus, elles font œuvre de pédagogie pour le grand public. Elles s’inscrivent dans la représentation aujourd’hui d’une histoire passée qui ainsi n’est pas oubliée.

C’est cela l’Histoire Vivante !

Merci à vous

Pierre-François Boselli
H-Events / Forties-Factory.com
Reportage publié dans le magazine GBM N°121 Juillet 2017


Vidéos de l’événement sur la chaine YouTube Forties-Factory

Crédits photos:
Photos N/B : Luc Pottiez http://www.horizon14-18.eu/
Photos couleurs : Pierre-François Boselli / Christian Duchemin

Crédits vidéos:
Pierre-François Boselli / Christian Duchemin

Bibliographie :
Le Chemin des Dames – Printemps 1917
Le Chemin des Dames : L’album souvenir du Front de l’Aisne

Associations participantes :

Historium
GRCA 1939-1940
France 40 Véhicules
Normandie-Bretagne 1930-1940
SHAEF
Mémoires de Poilus
France 1940 Reconstitution
Le Miroir
Eperon 132
Lorraine Me Garde
Les Poilus d’Ile de France
Souvenir Sauvegarde et Histoire Militaire
Scènes et Marne 1914
La Baïonnette de Cormicy

Film photographique de Luc Pottiez, que nous remercions pour ses photographies.

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